Quand on m'avait dit l'été dernier que c'était un été avec peu de moustiques, je ne l'avais pas cru. Honnêtement, je n'en avais jamais vu autant. Impossible de sortir dans le jardin sans croiser un des ces insectes, et bien difficile d'éviter celui qui avait décidé de passer à l'attaque. Aussi le soir, nous faisions attention en ouvrant les fenêtres... éteignions les lumières, et tout et tout... Cette année 2013 en Allemagne débuta par un hiver infini en noir et blanc, tant qu'on en venait à se demander si l'humanité reverrait un jour le soleil. Mais enfin, le printemps osa pointer quelques bourgeons, hésitant tout de même, sous des trombes d'eau et des inondations. L'eau stagnante s'installa un peu partout, et la chaleur revint tout à coup au grand bonheur de tous. Une météo de rêve, aussi pour les moustiques. Ils l'ont expliqué à la radio. La famille des Culicidae (ce sont eux) allait cette année proliférer. Moi, je me suis juste souvenue de l'année précédente, puis j'ai pensé « Oh non... encore une fois ». Mais bon, je croyais connaître, alors on n'allait pas me faire peur. Pourtant. J'étais loin de m'imaginer la réalité. Quand on s'installe dans un endroit étranger (deux petites années que nous vivons en Allemagne), on amène quelques infos dans les bagages, on discute avec les gens, on s'imagine ce qu'on ne connaît pas... mais la confrontation à la réalité, c'est autre chose... Et puis, quand on écoute la radio dans une langue qui n'est pas la nôtre même si on la comprend à peu près, les informations et les événements relatés gardent une certaine distance, ils atteignent plus difficilement notre sphère émotive. C'est finalement comme si je n'habitais qu'à moitié là, observatrice étrangère, comme si ce pays, je ne l'avais pas autant dans les tripes que si j'y avais passé la majeure partie de ma vie... Alors, les moustiques, on en parlait autour de nous, mais bon... Rien ne remplace le vécu personnel, c'est bien connu. Jusqu'à ce fameux soir, en rentrant du lac en vélo (nous habitons dans une région de lacs...). Et l'attaque. Il faisait encore chaud, nous nous étions bien baignés, nous roulions dans les bois. Et soudain, dans la côte où nous poussions bravement nos vélos, ils nous sont tombés dessus. En nuée, ils passèrent à l'attaque. Nos bras et nos jambes nues à leur merci, des dizaines de moustiques essayant de nous planter leur trompe dans la peau pour sucer notre sang... Panique. Mon mari et moi encourageant tant bien que mal nos enfants à pousser les vélos dans la côte, surtout ne pas s'arrêter, même si la fatigue osait survenir... C'était la panique, et les moustiques devaient vivre un grand moment d'extase... Que je rassure tout le monde, nous avons survécu. Avec des piqûres et des démangeaisons pour quelques jours, on s'en tirait pas si mal. C'était donc cela les moustiques en 2013. Des nuées qui vous tombent dessus, assoiffées de sang, des nuées qui attaquent en bandes organisées ici, en Allemagne, en Europe. Évidemment, dès le lendemain, je suivis l'exemple de notre voisin. J'avais compris. J'installais des moustiquaires à toutes les fenêtres. Pour une fois dans ma vie, je ne me suis pas vraiment laissée le temps de la réflexion. Cela faisait par ailleurs déjà quelques jours que nous n'ouvrions plus les fenêtres la nuit à cause des petites bêtes, et nous manquions d'air. Quel soulagement. Ils étaient toujours là, derrière les portes et les fenêtres. Presque on aurait eu envie leur tirer la langue, « Nananère, vous n'entrerez pas ». Ils restaient collés aux moustiquaires... A présent, quand je rentre dans ma maison, je découvre une sensation de liberté inconnue jusqu'alors. Du jardin inhospitalier à la maison qui respire... je peux enfin ouvrir les fenêtres sans me poser de questions... de l'air, et que la lumière soit... quand même, je vais l'écrire : vive les moustiquaires ! Oui, nous sommes passés aux grands moyens. Plus une sortie à l'extérieur sans le fameux élixir anti-moustiques. Des vêtements couvrant autant que possible et plutôt clairs, parce que le noir les attireraient... et plus de parfum... J'ai décidé de protéger les toiles d'araignées sur les cadres de mes fenêtres, car aujourd'hui, je vénère tous les prédateurs des Culicidae... oui, petit moustique, viens te prendre au piège de la belle toile... d'araignée ! J'écoute le soir avec délice les coassements des batraciens dans mon jardin en leur souhaitant bon appétit... petits, petits, venez, chers prédateurs de moustiques... vous aussi les oiseaux et les chauve-souris, vous êtes les bienvenus, ce soir c'est la fête, régalez-vous ! (là, c'est mon fils qui va être content... entre crapauds, chauve-souris et araignées, ça va être Halloween tous les jours à la maison). Plongée dans mes réflexions, haïssant au plus haut point ces insectes sanguinaires, je prends soudain conscience de leur rôle. Et oui, ils servent aussi à quelque chose, les moustiques. Un petit tour sur Wikipédia, et j'apprends qu'ils participent à la pollinisation, qu'ils font bien sûr partie de la chaîne alimentaire (comment fêterions-nous Halloween sans eux...), mais aussi que leurs larves représentent une part importante de la biomasse des écosystèmes aquatiques et participent ainsi à la bio-épuration des eaux marécageuses... Et voilà, encore une fois, je donne raison à la nature. Chaque être qui la peuple a son rôle à jouer, et la complexité des écosystèmes nous étonnera toujours, nous les humains. Puis ces écosystèmes, nous en faisons aussi parties, ce sont eux qui nous ont créés. Alors voilà, restons modeste face à la grandeur du monde, admirons et respectons les équilibres. A nous de faire fonctionner notre imagination pour nous adapter et nous protéger. Oh, j'en viendrais presque à remercier les moustiques de stimuler un peu notre intelligence. Oserais-je ?
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